Depuis 1980, une seule maladie infectieuse humaine a officiellement disparu du globe : la variole. Ce succès, fruit d’une coordination internationale sans précédent, n’a encore jamais été répliqué pour d’autres pathologies majeures. La poliomyélite, pourtant visée par des campagnes mondiales depuis plus de 35 ans, résiste toujours dans quelques foyers.L’éradication d’une maladie exige bien plus qu’un vaccin efficace. Elle repose sur une surveillance minutieuse, une volonté politique constante et la capacité à atteindre les populations les plus isolées. Malgré des moyens technologiques inégalés, les obstacles restent nombreux.
Plan de l'article
- Éradication des maladies infectieuses : un défi mondial aux multiples enjeux
- Pourquoi certaines maladies peuvent-elles être éradiquées alors que d’autres persistent ?
- La variole et la poliomyélite : histoires croisées d’une lutte internationale
- Vaccination et mobilisation collective : clés pour un avenir sans maladies évitables
Éradication des maladies infectieuses : un défi mondial aux multiples enjeux
Effacer une maladie de la carte du monde, cela va bien au-delà d’un simple succès médical. L’éradication correspond à la disparition totale d’un agent pathogène à l’échelle planétaire. Quand ce stade est atteint, il n’y a plus besoin de multiplier les campagnes de prévention ou de vaccination : le microbe n’existe tout simplement plus. À l’inverse, l’élimination se joue sur un territoire donné. La maladie peut être absente localement, mais la vigilance continue pour éviter qu’elle ne revienne. Enfin, le contrôle cherche juste à maintenir le nombre de cas à un niveau jugé acceptable, sans viser à faire disparaître complètement la maladie.
Les acteurs et leviers de l’éradication
L’éradication n’est jamais l’affaire d’un seul acteur. Chercheurs, agents de santé, décideurs publics : tous doivent avancer ensemble, coordonnés à l’échelle internationale. L’OMS occupe une place centrale dans cette mobilisation, en pilotant des campagnes mondiales comme celles contre la poliomyélite. Mais à mesure que la maladie recule, chaque nouveau cas devient de plus en plus difficile, et coûteux, à éliminer. La logistique se complique, les efforts s’intensifient, et le dernier foyer résiste souvent bien plus longtemps que prévu.
Pour bien comprendre les distinctions en santé publique, voici les principaux concepts mobilisés :
- Éradication : disparition complète du pathogène sur toute la planète, sans nécessité de poursuivre les interventions.
- Élimination : la maladie disparaît sur un territoire donné, mais il faut maintenir la surveillance et les campagnes de prévention ou de vaccination pour éviter qu’elle ne réapparaisse.
- Contrôle : l’objectif est de réduire la maladie à un seuil jugé acceptable, sans viser à la faire disparaître totalement.
La biologie de synthèse change la donne. Les chercheurs peuvent aujourd’hui créer de nouveaux outils diagnostiques, concevoir des vaccins innovants, mais aussi, et c’est le revers de la médaille, recréer en laboratoire des virus disparus, comme la variole ou le poliovirus. Cette capacité oblige à repenser la sécurité mondiale. L’OMS insiste de plus en plus sur la nécessité d’une régulation internationale rigoureuse, afin d’empêcher qu’un agent pathogène, que l’on pensait disparu, ne refasse surface, accidentellement ou non.
Pour l’heure, la variole est la seule maladie humaine dont l’éradication est officiellement reconnue. La poliomyélite, elle, a disparu de larges régions du globe, mais persiste dans quelques rares pays. Chaque dernier cas rappelle à quel point la victoire peut sembler à portée de main… tout en restant étonnamment fragile.
Pourquoi certaines maladies peuvent-elles être éradiquées alors que d’autres persistent ?
Pour qu’une maladie disparaisse définitivement, plusieurs conditions doivent être réunies. D’abord, le réservoir du virus doit se limiter à l’être humain. C’est le cas de la variole ou de la poliomyélite : ces virus ne se transmettent qu’entre personnes. À l’opposé, le paludisme ou la fièvre jaune disposent de refuges chez les animaux ou les insectes. Impossible, dans ces circonstances, de viser une éradication totale à l’échelle mondiale, même avec les efforts les plus massifs.
Impossible aussi de se passer d’un outil fiable : vaccin efficace ou traitement curatif, accessible partout et pour tous. Il faut pouvoir diagnostiquer chaque cas rapidement, pour couper immédiatement toute chaîne de transmission. Quand ces armes manquent, comme pour le VIH/SIDA ou la tuberculose, l’objectif se limite à contenir l’épidémie.
Mais tout cela ne tient debout que si l’engagement politique suit, et que la population adhère. La moindre faille dans la couverture vaccinale, un conflit armé, une crise sanitaire, et tout peut basculer. Désinformation, corruption, problèmes logistiques… Les obstacles ne manquent pas. À cela s’ajoute, désormais, la menace d’une résurgence par biologie de synthèse, qui rend la vigilance encore plus indispensable.
Plusieurs maladies figurent encore dans les priorités de l’OMS : rougeole, rubéole, pian, dracunculose… Mais la diversité des systèmes de santé, l’isolement de certains territoires, ou les résistances locales compliquent la tâche. Chaque foyer résiduel oblige à adapter les stratégies et à rester sur le qui-vive, au moindre signe de reprise.
La variole et la poliomyélite : histoires croisées d’une lutte internationale
La variole reste à ce jour la seule maladie humaine éradiquée. L’OMS en a fait la déclaration en 1980, après une campagne planétaire lancée dès la découverte du vaccin par Edward Jenner au XVIIIe siècle. Les stratégies mêlaient dépistage, isolement des cas et vaccination en anneau autour des foyers. L’absence de réservoir animal a permis d’atteindre ce résultat, avec l’appui décisif de figures comme Donald Henderson.
Pour la poliomyélite, la bataille continue. Depuis 1988, le nombre de cas mondiaux est passé de 350 000 à quelques centaines seulement. Deux vaccins structurent la riposte : le vaccin oral inventé par Albert Sabin, administré lors des journées nationales de vaccination, et la version injectable conçue par Jonas Salk, plus sûre mais plus compliquée à déployer à grande échelle. À chaque étape, la Commission mondiale de certification valide les avancées : Amériques, Europe, puis Afrique en 2020. Aujourd’hui, seuls le Pakistan et l’Afghanistan voient encore circuler le poliovirus sauvage.
Mais le combat n’est pas terminé. Le vaccin oral, dans de rares cas, peut entraîner l’apparition de souches dérivées qui provoquent elles-mêmes la maladie, surtout là où la couverture vaccinale reste insuffisante. La biologie de synthèse complexifie la donne, en rendant possible la réapparition de virus que l’on croyait disparus. Pour contrer ces menaces, un maillage mondial de laboratoires surveille la circulation des souches, les identifie et effectue des analyses génétiques pour détecter rapidement toute résurgence. L’expérience de la poliomyélite rappelle que même après des avancées spectaculaires, le parcours vers une éradication complète reste parsemé d’embûches.
Vaccination et mobilisation collective : clés pour un avenir sans maladies évitables
Protéger une population entière grâce à l’immunisation, c’est la meilleure arme pour barrer la route aux maladies qui pourraient être évitées. Les journées nationales de vaccination, menées sous la houlette de l’OMS, rassemblent chaque année des milliers de professionnels et de bénévoles. En quelques jours, des millions d’enfants reçoivent un vaccin oral simple à administrer, à condition que toute la logistique suive et que la coordination soit sans faille.
Le succès dépend d’une couverture vaccinale homogène, dense et durable. Un seul village oublié, une communauté qui hésite, un contexte de guerre ou une rumeur persistante, et le virus retrouve une opportunité pour revenir. Les obstacles sont nombreux : conflits, déplacements de population, désinformation, infrastructures défaillantes. Pour les surmonter, il faut des campagnes d’information efficaces et un soutien actif des leaders locaux.
La surveillance épidémiologique s’organise autour d’un réseau mondial de laboratoires accrédités, capables de détecter la moindre alerte, d’identifier les souches virales en circulation et d’en retracer l’origine. Même après une forte baisse du nombre de cas, le risque de voir émerger des souches vaccinales dérivées impose un suivi constant dans les zones à risque.
La biologie de synthèse, enfin, ajoute un défi inédit. Elle rend possible la fabrication de virus que l’on pensait disparus, forçant la communauté internationale à repenser les règles du jeu pour ne pas voir les efforts de vaccination réduits à néant. L’OMS appelle à une régulation stricte, afin que les victoires d’aujourd’hui ne deviennent pas les regrets de demain.
Tout tient, au fond, à cette capacité collective à rester soudés, à maintenir la rigueur scientifique et à ne jamais relâcher la vigilance. Tant que cet équilibre subsiste, l’utopie d’un monde débarrassé des grandes épidémies continue de tenir debout. L’histoire n’a pas encore écrit son dernier chapitre : la suite dépendra de notre ténacité.


